dimanche 5 décembre 2010

Une Vignette aux faux airs de macaron

Cette Vignette-là ne se confond pas avec l'illustre homonyme du quartier de la Robertsau, chroniquée ici. Ambiance différente, assiette différente, ambitions différentes mais recherche semblable: celle de la qualité.


Et voilà la fine équipe: Jean-Claude Tamayo le patron (au premier plan), Joëlle Haeflinger l'hôtesse et le chef Michael Levi.
Les deux premiers sont de complets autodidactes en restauration, mais je dois dire que Joëlle est une des meilleures hôtesses que j'ai pu rencontrer. Un vrai sourire, des explications claires des plats, des vins: elle a le feu sacré. Feu partagé par Michael en cuisine, aidé de Jean-Claude. L'accueil à la fois sobre et passionné, au diapason de la cuisine audacieuse et soignée du chef: vite, à table!


Et voilà le premier amuse-bouche: un espuma de petits pois piqué d'une carotte blanche. Tout ceci est bien vert, et quand on y goûte, une agréable sensation de douceur s'en dégage. La carotte blanche a un goût prononcé, mais bien plus doux que sa petite camarade rouquine. Il faut souligner un travail remarquable sur le produit. La carotte a un petit goût de noisette, les petits pois sont ultra-frais: un accord très réussi pour une entrée en matière plus que réjouissante.



Deuxième amuse-bouche de ce menu dégustation laissé à discrétion de l'équipe (je n'ai rien choisi et j'adore ça): une crème huître et poireaux, accompagné d'un sabayon aux champignons et d'un émincé de feuilles chiso. Michael Levi est un aventurier des accords, cela se vérifie tout au long de la carte, et j'avoue qu'il a raison d'oser car ce sont souvent des coups de maître. L'accord est iodé à souhait, c'est fin et chaleureux et les petites feuilles chiso apportent une pointe d'acidité bienvenue et qui permet à chaque saveur de s'exprimer pleinement. On dit bravo... dès les amuse-bouche, c'est dire à quel point l'attente est grande quand il s'agit de déguster les plats!



Et pour commencer, que serait l'Alsace sans le foie gras? Ici, une terrine maison à la cannelle avec un cône rempli de pépites de foie gras poêlé avec du coing et une quenelle de confiture aux fruits secs. Notez d'abord la saisonnalité parfaite des produits. Nous sommes début novembre quand j'ai eu le plaisir de m'asseoir à cette table, on est dedans. Et puis, techniquement, c'est parfait. La terrine de foie gras est cuite juste comme il faut pour rester fondant, les pépites en sont réellement avec l'audace de quelques grains de cacao craquants, le jus est savoureux. Petits appétits s'abstenir, ce plat est très riche et il fleure tellement bon l'Alsace. Une réussite.



Deuxième entrée: les fameux escargots de la Weiss (vallée de Kaysersberg), issus de la même ferme que ceux du Chambard d'Olivier Nasti, sujet de mon billet précédent. Petit bémol: il n'y a pas assez de bestioles dans le plat! C'est déjà réparé. Mais pour le reste, ces escargots de la Weiss à l'ail rose du Tarn, et leur sorbet à la roquette et aux pousses de radis constituent un plat magnifique. L'ail est onctueux et n'agresse pas les papilles: la sauce est maîtrisée de bout en bout. Le persil sait se faire timide mais présent, le sorbet est tout juste sucré et joue l'harmonie avec les radis: encore un accord surprenant et très équilibré. Surtout avec le Pinot blanc servi avec, de la maison Dopf (2009), dégusté avec modération bien entendu.



Le morceau de bravoure: les Saint-Jacques servies sur leur lit de cèpes et galette de sarasin accompagné d'une petite crème de potiron (dans le faux pot de yaourt). Le potiron, c'est du beurre disent mes notes. L'alliage, car il s'agit bien d'un alliage ici, est à la fois intéressant et réussi. Intéressant car la texture et le goût des Saint-Jacques et des cèpes ne sont pas censés s'entendre. Eh bien si et c'est vraiment une réussite. Tout est harmonieux, on se croirait dans une forêt automnale, au milieu des feuilles tièdes et de la mousse, à humer la terre. Et l'accord avec le vin: "On a tenté le contraste", m'explique Joëlle. Tenté et réussi, encore. Car ce Vacqueyras blanc de 2009 plutôt vertical comme disent les sommeliers (avec un goût fort et immédiat en bouche) réveille le plat d'une façon magistrale. On aurait pu l'accompagner pour juste le nimber dans sa douceur et là, le choix du coup de fouet a payé. Osé mais gagnant.



Inutile de vous dire que nous n'avions pas faim pour le fromage: il fallait garder de la place pour le dessert! Ce que vous voyez dans ce verre, c'est du cidre, ou plutôt du pétillant de pommes fermier. Eh oui, l'audace là aussi. Il accompagne divinement ce tatin de pommes et potiron sur son lit de caramel, avec sa crème glacée à l'aspérule, une plante chère au grand Emile Jung, qui m'avait fait goûter ce petit délice alsacien en premier. Le tatin est d'une gourmandise absolue, l'aspérule tempère idéalement cette déferlante de goût fruité et sucré, et met finalement en valeur la richesse de ce tatin.
Maintenant, vous savez pourquoi j'ai parlé de faux airs de macaron, n'est-ce pas? C'est aussi parce que les guides ont enfin commencé à investiguer sur cette adresse un peu en dehors de la ville, et qui vient (heureusement, de l'avis unanime!!!) de refaire sa décoration. Pensez-donc, la note attribuée par l'un des plus anciens et prestigieux (mais pas à la couverture rouge) est à la hauteur de certains étoilés strasbourgeois. Avec un menu dégustation (4 assiettes) à 45 euros, on peut (raisonnablement) se laisser tenter, qu'en pensez-vous? Attention quand même, la carte semi-gastronomique est réservée au service du soir, le midi est plus sage.

Restaurant la Vignette
78 route des Romains
67200 Strasbourg-Koenigshoffen
tél.: 03 88 28 99 52
www.restaurantlavignette.fr
contact@lavignette.fr

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